« L’actualité pousse des cris stridents. On peut ne pas les entendre, on peut ne pas y croire, ou bien attendre simplement le prochain, puisque la succession est garantie. Siegel n’est pas de ce « on ». Elle entend tout. Une affaire de tympan. La membrane est un acteur majeur de la sensibilité. Le ouï-dire commande bien des instincts. Elle ne parvient donc pas à faire la sourde oreille. Par réaction de survie, elle expulse le principal des radiations qui la traversent. Elle recrache.
Mettre sur toile, c’est se démettre du péril de garder en soi, de ne pas partager, ce qui doit pourtant être partagé, impérieusement, car le péril en question n’est pas dans l’intérieur de soi, dans les méandres de son ego, même excellemment disposé, mais dans les désolations collectives qui nous reviennent de mille lieux. Comment ne pas croire que les meurtres qui nous entourent portent en eux bien des tourments qui ne resteront pas lointains. Continûment, ils se rapprochent. Siegel pense qu’ils nous guettent toujours plus ; elle sent des menaces et surtout des incapacités à y répondre ; elle sent des décompositions communautaires et cherche à en transcrire les noires retombées qui l’obsèdent. Voilà ce qu’elle dit et qui arrive sur la toile.
Et quoi de plus pondéreux, de plus cardinal, que la couleur ? C’est l’évidence, elle n’habille pas les formes, elle les habite. Et se renouveler de ce côté n’est pas neutre, certes, mais surtout fait pencher la toile dans de tout autres directions. »
Extrait d’un texte de Maurice Zytnicki - 2016